

Juste la fin du monde
Une si longue absence
Dans sa langue si particulière, sa musicalité qui envoûte, Jean Luc Lagarce nous invite aux retrouvailles de Louis avec sa famille. Un récit sur la difficulté de communiquer, une palette de personnages blessés, humains, follement attachants.
Au centre, Louis, le fils, un jeune homme d’une trentaine d’année est de retour chez lui, dans sa famille après de longues années d’absence. Il revient pour « annoncer, dire, seulement dire » sa mort prochaine. Mais il repartira sans s’être livré, juste le temps de faire exploser le non-dit familial. Si Louis ne dit rien, son retour libère la parole des siens, la mère, le frère, la sœur. La colère, le ressentiment éclatent. Des lambeaux d’enfance surgissent, laissant les personnages anéantis, blessés.
Louis est à la fois le fils et le narrateur, proche et lointain, il porte cette tentative de réconciliation qui nous bouscule, nous bouleverse, qui nous renvoie à nos propres fêlures, nos attentes secrètes. La langue de Lagarce est répétitive, lancinante, fascinante. Il faut se laisser porter sur la crête de cette partition magnifiquement interprétée par des acteurs en état de grâce.
RETOURS AUX ORIGINES OU NOUVEAU CYCLE
Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.
J’emprunte à Nicolas Boileau cette strophe, tant elle paraît répondre à ma volonté de re-créer Juste la fin du monde.
Car il s’agit bien ici de « refaire » et non de reprendre, pour citer Peter Brook.
Depuis ma première mise en scène de ce texte, voilà déjà douze ans, j’ai exploré la totalité de l’œuvre de Lagarce. C’est en partie mon interprétation de Du luxe et de l’impuissance sous la direction d’Ivan Morane en 2014, qui m’a donné l’envie de refaire ce spectacle, m’en
donnant une lecture nouvelle. Comme une nécessité. Évidemment, le temps aussi m’a donné de nouvelles armes pour aborder un spectacle, sa
forme et ses enjeux.
À l’origine, c’est l’écriture de Lagarce qui m’a tout d’abord captivé et fait découvrir son œuvre récente, mais déjà classique ; cette nécessité et cette précision du langage pour mieux se connaître soi et les autres. Une écriture dans un entonnoir, des mots dans un alambic ; une parole « en marche », qui bute, trébuche, s’accélère, ralentit, mais avance avec opiniâtreté dans le seul souci de dire, de résoudre, de remettre l’homme dans la cité.
2005/2017 : que c’est-il passé ? L’histoire nous apprend que le temps tente de nous apporter la paix et le progrès, tant industriel que social. Ces récentes dernières années et celles qui se dessinent clairement, semblent bien vouloir écrire une toute autre histoire du monde…
Juste la fin du monde, comme une expression de l’impossible : « Si je fais ça, ce sera la fin du monde ! » ?
Un homme « jeune encore », à la porte de sa propre disparition, la fin de son monde, son univers, son environnement, sa famille, ses communautés… tout cela à la fois ! Le prisme familial de cette pièce est le reflet de nos sociétés, avec ses intolérances, ses replis, ses
conflits, ses désirs, ses doutes, ses pulsions destructrices ou merveilleuses, dans un incessant aller-retour émotionnel.
À notre époque où domine le renoncement à l’autre, regarder autour de soi, rester éveillé, vigilant, dans une saine colère, c’est ce que nous dit Juste la fin du monde et au sens plus large, l’œuvre de Jean-Luc Lagarce et qu’il faut mettre en évidence ici.
Enfin, toute l’action de Juste la fin du monde est menée par l’unique volonté et le seul point de vue d’une personne : Louis. Sommes-nous dans la réminiscence, dans l’espoir, l’envie ou le fantasme de son retour ? Il y a ici, une vision quasi cinématographique (une proposition
d’angle de caméra, de montage) qui continue à m’interroger et me fasciner ; c’est aussi à cet endroit que se trouve tout l’enjeu de notre travail, en s’appropriant la construction et la rythmique de l’écriture, sans la rendre formelle.
Et toujours « faire spectacle » de tout cela, sans lamentations, sans ennui.
Jean-Charles Mouveaux
Critiques
- par Agnès SantiLa Terrasse
Jean-Charles Mouveaux présente « Juste la fin du monde » de Jean-Luc Lagarce. Un splendide quintette de comédiens dans une mise en scène subtile
Jean-Charles Mouveaux revient à cette partition de crise familiale, qu’il orchestre avec une subtilité et une intensité impressionnantes. Un splendide quintette de comédiens, dont le metteur en scène dans le rôle de Louis, donne vie au très beau texte de Lagarce, au programme du bac 2021.
- par Olivier Frégaville-Gratian d'AmoreL'Œil d'Olivier
Jean-Charles Mouveaux réveille les vieux fantômes familiaux de Lagarce
Les mots se chevauchent, trébuchent, se relèvent et frappent, mais jamais en plein cœur. Les non-dits, les sentiments inexprimés, masquent à tout jamais les vérités enfouies de cette famille aimante et désunie. Porté par la mise en scène épurée de Jean-Charles Mouveaux, ce huis-clos doux-amer, ciselé par la plume vive de Jean-Luc Lagarce, confronte les peurs de chacun, les amours filiales et fraternelles qui surgissent à contretemps. Une jolie réussite !
- par Johanna BONENFANTLa Provence
Juste la fin du monde (c’est intéressant)
La pièce de théâtre de Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, adaptée au cinéma par Xavier Dolan en 2016, s’offre cette année le luxe d’être interprétée au théâtre par la Compagnie l’Equipe de Nuit. Cette histoire bouleversante est mise en scène avec beaucoup de relief par Jean-Charles Mouveaux qui superpose des tables et chaises sur lesquelles se déplacent les comédiens. L’ambiance, sombre, représente bien l’histoire de Louis, revenu dans sa famille après dix-sept ans d’absence pour dire sa mort prochaine.
- par Jacky BornetFrance Info
"Juste la fin du monde" à Avignon : qu’on en finisse
Jean-Charles Mouveaux avait déjà mis en scène "Juste la fin du monde" de Jean-Luc Lagarce en 2005. Cette nouvelle création en Off d’Avignon, veut "revenir au texte, en donner une lecture nouvelle". C’était "une nécessité", ajoute-t-il. Une relecture à la lumière de toute l’œuvre de l’auteur, considéré comme un des plus grands dramaturges de la fin du XXe siècle.
- par Hadrien VolleSceneweb
Juste la fin du monde : force des mots féroces
Jean-Charles Mouveaux met en scène au Petit Louvre Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce avec, notamment, Philippe Calvario dans le rôle d’Antoine et Jil Caplan dans celui de son épouse.
- par Fabienne PascaudTélérama
“Juste la fin du monde”, énergie vitale
Avignon Off - Au Théâtre du Petit Louvre/Chapelle des Templiers, Jean-Charles Mouveaux dirige avec délicatesse des acteurs souvent bouleversants sur le texte poignant de Jean-Luc Lagarce.
Archives des représentations
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Théâtre de l'Epée de Bois
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Paris
09 févr. > 23 avr. 2023
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Théâtre du Petit Louvre
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Avignon
07 juil. > 29 juil. 2018
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Studio Hébertot
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Paris
20 juin > 30 juin 2018