Juste la fin du monde

Juste la fin du monde
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Juste la fin du monde

Jean-Luc Lagarce, Joël Jouanneau

Le fils retourne dans sa famille pour l’informer de sa mort prochaine. De cette visite qu’il voulait définitive, il repartira sans avoir rien dit. Ce que je pense / c’est que je devais pousser un grand et beau cri / un long et joyeux cri qui résonnerait dans toute la vallée / que c’est ce bonheur-là que je devrais m'offrir... / mais je ne l’ai pas fait.
Juste la fin du monde est le premier volet d’une trilogie écrite par Jean-Luc Lagarce alors qu’il savait sa mort prochaine : sans complaisance ni amertume, plutôt comme un don de soi à ceux qui survivent.

J'ai peu connu Jean-Luc Lagarce.

Par Joël Jouanneau

Une belle et brève rencontre au Jardin d'hiver après la lecture de sa pièce Retour à la citadelle, un regard ou une poignée de main échangés au hasard d'une représentation théâtrale, bref, le simple respect de rituels, et c'est déjà ça. Puis, à l'Athénée, alors que je mettais en scène dans la petite salle, La dernière bande, de Samuel Beckett, avec David Warrilow, ce devait être en 1992 je crois, lui Lagarce, dans la salle Louis Jouvet, travaillait à la reprise de sa mise en scène de L'île aux esclaves de Marivaux. David et lui étaient alors confrontés à la même et incurable maladie. Et c'est après qu'il ait vu La dernière bande, après que nous en ayons longuement parlé (il avait le regard et la voix de ceux qui ne sont déjà plus tout-à-fait de notre monde), dans la nuit qui suivit, que je fis ce rêve étrange : j'étais dans une forêt, épuisé, une hache à la main, et lui, cet homme malade, apparaissait comme on apparaît seulement dans les rêves, prenait la hache, et avec un grand rire et une force incommensurable, il abattait les arbres, ouvrant en peu de temps une clairière devant moi. David Warrilow est mort depuis, et Jean-Luc Lagarce aussi, la même année, mais aujourd'hui encore, quand je vois une photo de lui, c'est toujours l'homme à la hache que je vois.

Ce n'est qu'en 1998 que je reçus de François Berreur, assistant de Jean-Luc Lagarce durant quinze ans et éditeur aujourd'hui de son œuvre, une pièce, Juste la fin du monde, écrite peu après qu'on lui ait annoncé sa mort prochaine, restée inédite depuis.
La lecture de ce texte me bouleversa.

Plus tard, l'année d'après
- j'aillais mourir à mon tour
j'ai près de trente quatre ans maintenant
et c'est à cet âge que je mourrai ...
je décidai de retourner les voir, revenir sur mes pas,
aller sur mes traces et faire le voyage,
pour annoncer,
dire,
seulement dire,
ma mort prochaine et irrémédiable,
l'annoncer moi-même, en être l'unique messager.

et le même Louis, à l'heure de l'épilogue, après être allé chez les siens, qu' i! n'avait pas vu depuis dix longues années, et sans rien leur avoir dit, sur la route du retour :

Ce que je pense
(et c'est cela que je voulais dire)
c'est que je devrais pousser un grand et beau cri,
un long et joyeux en' qui résonnerait dans toute la vallée,
que c'est ce bonheur-là que je devrais m'offrir,
hurler une bonne fois,
mais je ne le fais pas,
je ne l'ai pas fait.

et entre les deux nulle amertume face à l'inéluctable, aucune plainte, non, un stupéfiant don de lui-même à ceux qui survivent. Et je pensais alors à ces lignes de Claude-Louis Combet extraites du Péché d'écriture :

Le texte, depuis le commencement, n'avait pas été autre chose que la préparation d'un cri et sa retenue. Et tous les détours par lesquels la
phrase avait suivi son cours constituaient une manière de s'approcher du poinrt où le cri allait éclater et une manière de se tenir à distance de ce point et de ce cri. Le cri valait pour tout ce qu'il cachait et d'abord et Surtout pour ce cri de fond d'enfance qui n'avait jamais pu être proféré puisqu'il n'y avait jamais eu d'oreille pour l'entendre. 

C'est donc ce cri et sa retenue que nous avons cherché à entendre, en allant à la rencontre d'une écrirure qui, bien que sortie de la nuit, ouvre sur une clairière semblable au rêve que je fis.

Joël Jouanneau, mars 2000, programme de la Colline

Critiques

  • Libération
    par René Solis

    L'adieu sans larmes de Lagarce.

    Juste la fin du monde n'est pas une pièce réaliste, plutôt une allégorie des rapports de l'auteur avec le monde; et une réflexion philosophique sur la mort à venir, sur le silence et le regret.

  • Les Échos
    par Annie Coppermann

    Parler avant la mort

    Une mise en scène très pure de Joël Jouanneau pour la pièce émouvante d'un auteur mort il y a cinq ans.

  • Le Monde
    par Brigitte Salino

    Douceur et cruauté de l'absence

    Il est là mais l'absence ne l'a pas quitté. Piège. Cela durerait un jour ou un an, ce serait égal : trop de temps a passé, et dans ce temps la mort est venue, qui ne peut être racontée, ni même annoncée.

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