
Des murmures à l’ovation : itinéraire d’une révélation théâtrale
Longtemps cantonnée à la scène émergente et confidentielle madrilène, Angélica Liddell a connu un basculement décisif au tournant des années 2010, lors de sa révélation au Festival d’Avignon. Entre reconnaissance littéraire précoce mais marginale, et lente percée scénique, l’artiste espagnole s’impose aujourd’hui comme une figure incontournable du théâtre contemporain européen.
Découverts par le public français en 2010 lors de la soixante quatrième édition du Festival d’Avignon, les spectacles La Maison de la Force et L’Année de Richard viennent parachever l’ascension d’Angélica Liddell sur la scène européenne et internationale, faisant d’elle une figure emblématique du théâtre contemporain, couronnant ainsi une carrière débutée en 1993 avec la fondation de la compagnie Atra Bilis (Bile Noire). Quelques années auparavant, pourtant, l’artiste espagnole peinait encore à présenter ses spectacles sur les planches et se trouvait contrainte de limiter leur diffusion à de petits théâtres madrilènes tels que la Sala Cuarta Pared ou le Teatro Pradillo.
De la fondation de sa compagnie jusqu’aux débuts des années 2000, Angélica Liddell – ou Angélica Liddell Zoo, pseudonyme dont elle usera un temps en référence au film Zoo de Peter Greenaway – demeure une artiste confidentielle, limitée à la scène espagnole avant-gardiste et émergente. Ce n’est qu’au tournant des années 2000 que l’artiste originaire de Figueras reçoit ses premiers prix, symboles d’une reconnaissance institutionnelle toutefois limitée au champ littéraire dans la mesure où les textes primés n’ont jamais été portés à la scène par l’artiste. Elle reçoit ainsi , en 2003, un prix émanant de La Casa América pour son Monologue nécessaire à l’extinction de Nubila Walheim et extinction. Puis en 2004, le prix de la Sociedad General de Autores y Editores pour Ma relation avec la nourriture. Dans un entretien journalistique paru dans les colonnes d’El Pais en 2014, Angélica Liddell, dénonçant le manque d’intérêt des institutions pour son travail, revient sur son début de carrière en affirmant que si elle recevait bel et bien des prix, ses œuvres scéniques étaient pour autant ignorées et absentes des programmations culturelles espagnoles. Effectivement, avant 2007 et la présentation du spectacle Chien mort dans un pressing : les forts, l’artiste n’avait jamais été programmée sur une scène nationale espagnole.
A l’instar de leurs premières excursions hors des scènes madrilènes et espagnoles, les spectacles d’Angélica Liddell intensifient leurs tournées européennes notamment en France (La désobéissance : Je ne suis pas Jolie est présentée au Théâtre National de Bordeaux en 2009) ou au Portugal (Je te rendrai invincible par ma défaite est créé au Teatro Esther de Carvalho dans le cadre du Festival Citemor 2009). Dès lors, la renommée d’Angélica Liddell croît de manière exponentielle, attirant l’attention de nombreux programmateurs dont Vincent Baudriller – alors codirecteur du Festival d’Avignon avec Hortense Archambault – qui lui offre une place de choix dans la programmation de l'édition 2010 du festival et une exceptionnelle vitrine européenne qui, sans nul doute, profite à faire connaître l’artiste à un large public et met à mal définitivement son statut d’artiste confidentielle.
A l’issue du festival, Angélica Liddell devient une artiste réputée et reconnue que plusieurs théâtres et festivals souhaitent programmer et cela à l’échelle européenne. En France, par exemple, elle se hisse à l’affiche du Théâtre de l’Odéon dès 2012 avec une reprise de La Maison de la Force puis y présente ses nouvelles créations : Tout le ciel au dessus de la terre (le syndrôme de Wendy) en 2013, You are my destiny (Le viol de Lucrèce) en 2014, et Première épître de Saint Paul aux Corinthiens Cantata BWV 4, Christ lag in Todesbanden. Oh, Charles ! en 2015.