

Nous, les héros
«En jouant la comédie, vous ne le savez pas, mais vous ferez la Guerre aussi et plus sûrement, avec plus de force que vous ne pouvez l’imaginer» - La Mère -
Dans ce qu’il reste d’un théâtre, une troupe sort de scène. Comme à l’habitude on se raconte les mêmes histoires, on se dispute, on vit sans réponses… Mais ce soir, c’est un soir particulier, on célèbre des noces, on prépare un dîner. Un des comédiens épouse sans amour la fille du directeur de la troupe. Pourtant, rien ne change. L’union qu’on espérait ne se produit pas, l’incompréhension persiste entre les générations, et les relations se disloquent. Il n’y a que la peur qui insiste et qui paralyse. Alors face à ce vide, comment rester digne ? Tricher moins, prendre une décision, s’en aller. Et après, peut-être, pouvoir dire « Je ferai ça quand je reviendrai… »
Mot du metteur en scène par Olivier Coyette
« Nous, les héros », de Jean-Luc Lagarce, est une des pièces les plus difficiles du répertoire français contemporain. C’est une pièce russe, si l’on veut, en ce sens où l’histoire, c’est d’abord la vie des personnages, qui se donne à voir. La vie des personnages, c’est la vie tout court : qu’est- ce que rire, parler, chanter, pleurer, manger, boire et faire la fête, se quereller, se séduire et se craindre, se séparer, se retrouver, se chercher sans cesse, essayer d’avancer.
Pièce russe, par l’exposition des sentiments et par l’exploration d’une question (« où irons-nous maintenant » ?) ; pièce française, par la haute tenue du langage. Lagarce, comme tous les grands auteurs, a creusé sa langue dans la langue – il n’écrit pas en français, il écrit en Lagarce. Et cette langue exige des acteurs une grande rigueur et une précision infinie.
C’est une pièce « sur » les acteurs, que je veux lire comme un hommage aux acteurs, et aussi un hommage à Kafka : une pièce à la langue « littéraire », donc, qui rend hommage à un écrivain. Notre spectacle aussi est un hommage à Lagarce. Le processus ici fait donc référence aux fameuses poupées russes : ainsi, il y a toujours une histoire dans l’histoire, un personnage en cache un autre, les masques tombent et les identités se révèlent – et tout cela, c’est la fiction qui l’aura permis.
Hommage à la fiction, donc, en tant qu’elle accroît la vie, l’augmente de sensations inédites et de « tendresses insoupçonnées », et pour cela, il faut lui laisser le temps de s’installer, ou, plus exactement, accepter d’entrer dans son temps, avec précautions et respect. Jean-Luc Lagarce se mérite, mais si vous le croisez ce soir, j’espère que vous serez heureux de le rencontrer.
Archives des représentations
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Studio-Théâtre Alfred-Laliberté
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Montréal
09 déc. > 18 déc. 2010