Nous, les héros

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Note de l’éditeur

Désillusion

Il existe deux versions de Nous, les héros : l’une avec le père et l’autre sans. La première version est donc celle présentée dans ce volume. C’est en 1992, durant l’exploitation de sa mise en scène du Malade imaginaire de Molière, que cette pièce fut écrite par Jean-Luc Lagarce, porté par l’énergie de la « troupe ». En effet, la tournée du spectacle s’annonçait longue pour la prochaine saison 1993-1994 et devait s’achever en juin par des présentations au Théâtre national de Bretagne, à Rennes, durant cinq semaines. Conscient qu’une partie de la distribution exceptionnelle serait gagnée par l’ennui de tant de route pour si peu de scène (il faut imaginer que l’un des plus petits rôles était tenu par Olivier Py), Jean-Luc Lagarce proposa d’écrire une nouvelle pièce avec un rôle pour chacun et de répéter en cours de tournée pour présenter la création à la fin de l’exploitation rennaise. Il ajouta aussi qu’il souhaitait écrire un rôle pour Emmanuelle Brunschwig, seule actrice de la distribution de la Cantatrice chauve qui ne jouait pas dans Le Malade imaginaire.

C’est ainsi qu’en mai 1991 nous découvrîmes avec enthousiasme cette pièce qui reprenait la trame d’un précédent spectacle adapté des œuvres de Kafka et croisait avec humour les caractères de la troupe et ceux issus de Molière. Les acteurs, enchantés, ravis de pouvoir faire entendre aussi la langue et l’univers de Jean-Luc Lagarce, se mirent à rêver à cette nouvelle utopie théâtrale. 

Mais Bernard Bloch qui jouait Argan, et qui est par ailleurs aussi metteur en scène, trouva une production la saison suivante pour une création. Ce qui eut pour conséquence logique qu’il ne serait pas disponible pour l’exploitation de Nous, les héros. L’indisponibilité de Bernard Bloch portait un coup d’arrêt à cette utopie théâtrale, mais l’indestructible Lagarce, bien que déjà rongé par la maladie, refusa, pour garder la genèse du projet, d’envisager l’éventualité d’engager un autre acteur et proposa de réécrire la pièce. C’est ainsi que naquit la deuxième version de ce texte dite « sans le père ».
Nous prîmes donc contact avec les théâtres, une trentaine, qui avaient programmé et acclamé cette distribution et son metteur en scène lors de son passage, pour trouver quelques dates pour ce nouveau projet.

Mais Jean-Luc Lagarce n’était pas encore Lagarce, et cette grande pièce, qui résonne peut-être encore plus aujourd’hui face à l’incertitude de la vie des acteurs dans un monde où la guerre et la folie des hommes menacent, ne trouva personne pour l’accueillir. 

François Berreur