Derniers remords avant l'oubli

Derniers remords avant l'oubli
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Derniers remords avant l'oubli

Jean-Luc Lagarce, Julie Deliquet

Une maison, vestige d’un amour passé à trois…
Pierre y vit toujours, seul.
Hélène et Paul, eux, se sont mariés séparément, ailleurs…
Aujourd’hui ils reviennent chez Pierre, embarrassés, avec leurs nouvelles familles,
pour débattre de la vente de cette maison achetée en commun quelques années
auparavant.
Hélène a besoin d’argent.
Ensemble ils vont revenir sur leurs traces…

Note de mise en scène par Julie Delique

La pièce

Derniers remords avant l’oubli
Le passé, celui d’Hélène, Paul et Pierre ne m’intéresse pas, c’est ce qu’il en reste aujourd’hui qui joue.
Antoine, Anne et Lise peuvent écraser la vieille histoire, même s’ils nous apparaissent comme victimes d’une situation imposée.
Le discours est construit comme une nécessité de parole, un devoir vital pour sauver sa peau.
Il faut convaincre !
Rien n’est quotidien chez Lagarce.
Le personnage, et donc l’acteur, doit obtenir quelque chose de l’autre, et s’il est en “monologue”, il doit le considérer comme un dialogue avec lui-même. La pensée avance toujours, la répétition chez Lagarce nous mène plus loin dans le discours, ce n’est jamais un référent passé, c’est une marche en plus.
Le travail sur les enjeux et les objectifs de chaque personnage est primordial.
L’état de départ plante la pièce et laisse part au discours des uns et à l’écoute des autres.
Qu’est ce qui se joue avant de prendre la parole ?
Qu’est ce qui se joue avant la confrontation ?
Il faut toujours rester vigilant face à cette écriture et prendre le pouvoir !
Ne pas jouer la conséquence dans Derniers remords avant l’oubli, on banaliserait le propos.
J’ai souvent dit pendant le travail, il faut désacraliser Lagarce.
Ce n’est pas lui que je veux entendre c’est la voix des acteurs.
Lagarce on peut lui faire confiance, mais nous, nous devons nous imposer comme une évidence face au texte.
Il faut être insolent avec la langue et prendre le pouvoir pour passer au plateau.
Il faut s’autoriser et se donner la liberté de trouver des réponses hors les mots pour s’approprier le discours et le nourrir d’une vraie sensation et non d’une idée présupposée.
Nous avons abordé les non-dits et les « … » par un travail d’improvisation collective où l’acteur prend la parole et le pouvoir de ses propres choix.

La répétition

Naviguer entre réalité et dramaturgie.

Imposer le collectif : voilà comment ça commence !
Tous les acteurs, donc personnages seront présents sur le plateau.
Pas de scènes découpées et privées, une parole entendue et donnée.
Cette contrainte et identité de mise en scène me sont apparues comme une évidence à la lecture du texte. On ne se ballade pas en électron libre dans une maison inconnue mais on reste, on assiste, on gène. Ce choix insiste sur l’idée d’égalité des rôles et de leur pouvoir hors les mots.
Un regard poursuit un non-dit, le malaise et la politesse font reculer l’instant de vérité.
Les scènes sont revisitées dans une sensation de plan-séquence qui dépend beaucoup de ce qui vient de se passer à l‘instant même où l’acteur prend la parole.
On ne peut pas présupposer, l’adresse est multiple, il faut faire un choix.
Ce choix de « à qui je parle » est remis en doute à chaque représentation, le collectif bouge sur scène, l’ambiance est toujours différente, il faut partir de ça.
C’est le mot d’ordre : le choral donne le “la”, le drame de chacun n’est aucunement fondateur de la représentation et c’est pourquoi elle est mouvante.

J’ai choisi comme acteurs des personnalités qui pouvaient déjà trouver en eux la nature de leurs personnages attribués.
Chercher sur son identité et la distancier pour s’en amuser.
Nous travaillons sur le référent.
Le travail de répétition consiste à trouver un langage commun qui rend l’acteur disponible et suffisamment souple pour se laisser colorer par l’autre et par l’imprévu.
Le point de départ fut la prise de conscience de l’acteur de ce va et vient permanent entre texte, histoire, personnage et lui dans sa réalité.
Le travail consiste à jouer avec ces allers retours et à ne jamais les opposer mais au contraire, chercher à les faire se rencontrer.
L’immersion dans la pièce nous donne des réponses inattendues et une grande disponibilité pour son propre personnage et celui des autres.
On mange en vrai, on ne dit rien, on s’ennuie vraiment, on avance dans le propos mais on s’éloigne de la logorrhée.
Si l’acteur parle, il prend un risque et cherche à obtenir quelque chose de l’autre et non déverser une parole qui soulage. Parler ça fait mal.
A les voir improviser, je comprends que le temps du texte est très proche de celui de la vie réelle, il respire, il hésite, il tend vers la maladresse.
Je dois rester proche de cette sensation lorsque nous passerons au plateau…
L’acteur s’approprie la parole, ralentit et réduit peu à peu la distance entre lui et son personnage.
Il répond à Lagarce !
L’acteur se sert des mots comme matière mais n’en n’attend pas tout, il s’inscrit dans une proposition d’immédiateté à travers un jeu au présent.

Source Artcena : Dossier pédagogique 

Scénographie et vidéo

Passage au plateau, et mise à nu :
Un espace réel, celui d’une maison.
J’enlève les meubles et ne laisse que les murs et quelques signes qui induisent que Pierre vit toujours ici.
Un lit, une porte, une tapisserie années 70 projetée sur un cyclo en fond de scène, un sol bâché.

La scénographie, avec l’écran vidéo doit mettre en abîme cette frontière entre passé, présent et futur.
Pendant l’entrée du public, nous avons le voyage en voiture d’Hélène et Paul sur le cyclo, en fenêtre ouverte sur l’extérieur, l’ailleurs.
Passage du dehors au-dedans.
Confrontation de ceux qui sont partis vivre ailleurs avec celui qui est resté.

L’espace d’une maison sans meubles fait appel au passé, au lieu vide, neutre encore.
L’origine.
Nous nous projetons aussi dans le futur, à savoir ce que cette maison va devenir si elle est vendue : elle se videra.
Les murs, c’est ce qui reste et je souhaite que ce soit cela qui soit projeté en avant.
L’acteur n’aura d’appui que la situation, les mots…
Une porte décrochée en guise de table, un lit, des livres, ce qui reste de l’esprit d’une maison, juste ce qui reste.
Ce vide, c’est le point de départ, c’est gardé le plus longtemps possible son objectif car nous sommes dans l’impossibilité d’aller ailleurs.

Le plateau ne tient qu’à l’équilibre du groupe.
Il faut affronter la parole, le malaise et y assister.

Pierre qui reçoit joue déjà avec cette idée que Hélène et Paul veulent tout bazarder.
Il n’offre rien que son toit et rien d’autre, pas de bonnes manières, il s’amuse, il a le pouvoir, il est chez lui. On ne peut pas être à l’aise, c’est ce que je souhaite… Vit-il encore ici ?

Nous jouons un huis clos sans convention de prise de parole alors il faut que tout le monde trouve sa place.

Cet espace bouge avec les murs de la maison qui les aspirent vers un repas paralysant.
La tapisserie recule, avale et emprisonne.
Puis les murs vont se déplacer, tanguer, changer et s’arrêter dans le flou, la confusion.
La tapisserie annonce le chaos et la mise à nu du plateau et du discours qui tend vers la vérité.

Julie Deliquet.

 

Source Artcena : Dossier pédagogique 

Les 3 mouvements

Mouvement 1
Proximité avec le public, intrusion des acteurs dans la salle, les retrouvailles chez Pierre, on aborde la vente : 12H

Mouvement 2
La table recule, fin de repas, la vente n’avance pas : 15H

Mouvement 3
Le chaos, il faut rentrer, la discussion est impossible : 18H

La création lumière et celle son, visent à faire exister les ellipses pour que le spectateur ait une impression de journée qui passe.
La journée n’avance pas vraiment, elle s’enfonce…

Les trois mouvements seront lancés par la vidéo, qui projettera en premier, le voyage des voitures de Paul et d’Hélène, avant d’arriver chez Pierre. Une fois entrés, cette vie se figera en une tapisserie qui détient les fantômes de la jeunesse…

Critiques

  • L'alchimie du verbe
    par Raphaël Baptiste

    Des années 80 à nos jours (Triptyque) par le Collectif In Vitro dans une mise en scène de Julie Deliquet

    Le travail du collectif est centré autour de trois morceaux dramaturgiques : La Noce de Bertolt Brecht, Derniers remords avant l’oubli de Jean-Luc Lagarce et Nous sommes seuls maintenant qui est le fruit d’une création collective de la compagnie.

  • Publik Art
    par Amaury Jacquet

    Des années 70 à nos jours…

    C’est un voyage dans le temps auquel nous sommes conviés avec trois pièces entrecoupées d’un entracte où une génération s’adresse à une autre pour remonter le cours du temps, des années 70 à nos jours.

  • Libération
    par René Solis

    Familles à l’envers et contre tout

    La tension monte d’un cran pour Derniers remords avant l’oubli, la pièce de Jean-Luc Lagarce. La famille est à prendre ici au sens élargi : quand ils ont fui Paris pour s’installer à la campagne dans les années 70, Pierre, Paul et Hélène portaient un projet politique et amoureux en commun.

    (abonnés)
  • Théâtre du blog
    par Philippe du Vignal

    Les choses ne vont donc pas être faciles à négocier

    Festival d'Automne: Collectif in vitro Julie Deliquet: La Noce de Bertolt Brecht, Derniers remords avant l'oubli de Jean-Luc Lagarce et Nous somme seuls maintenant, création collective, mises en scène de Julie Deliquet.

  • Théâtre Joliette | Marseille
    18 mars > 19 mars 2017
  • Théâtre de la Croix-Rousse | Lyon
    17 mars > 19 mars 2016
  • Théâtre Gérard Philipe - TGP | Saint-Denis
    04 oct. > 11 oct. 2014
  • Théâtre de la Ville - Paris | Paris
    18 sept. > 28 sept. 2014
  • Théâtre de Vanves | Vanves
    06 mai > 04 févr. 2013
  • Le Mouffetard - Théâtre des arts de la marionnette | Paris
    30 sept. > 20 nov. 2010
  • Studio-Théâtre d'Asnières-sur-Seine | Asnières-sur-Seine
    01 juin > 06 juin 2010
  • Théâtre 13 | Paris
    19 juin > 20 juin 2009
  • Festival des jeux du théâtre de Sarlat | Sarlat
    26 juil. 2011
  • Lavoir Moderne Parisien | Paris
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  • Théâtre Gérard Philipe de Champigny | Champigny-sur-Marne
    17 mai 2014
  • Le Théâtre-Studio | Alfortville
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    10 avr. 2015

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