

Le Malade imaginaire
On se coucherait pour toujours, on dirait qu'on est malade.
On serait comme un enfant perdu, un vieil enfant redevenu petit.
Plus jamais on ne sortirait. Que nous importe le Monde! On resterait dans le lit, au chaud, dans la douceur des draps, on ne serait plus obligé à rien, on pourrait se soustraire à ses devoirs, rien ne nous obligera, on aura tous les droits. On se ferait câliner, on pourrait pleurer sur soi-même à nouveau, on ne sera plus jamais responsable, on sera plus enfant que ses propres enfants, on pourrait même s'en débarrasser, les mettre au couvent ou les vendre pour essais anatomique à la Faculté des Sciences - on pourra jouer à des jeux imbéciles, être peu à peu comme un bébé idiot, être l'enfant désespéré de sa propre épouse, être le cadet perdu d'un grand frère sérieux, avoir des exigences, faire des caprices. (...)
Jean-Luc Lagarce
Notre d'intention (texte intégral)
Par Jean-Luc Lagarce
On se coucherait pour toujours, on dirait qu'on est malade.
On serait comme un enfant perdu, un vieil enfant redevenu petit.
Plus jamais on ne sortirait. Que nous importe le Monde! On resterait dans le lit, au chaud, dans la douceur des draps, on ne serait plus obligé à rien, on pourrait se soustraire à ses devoirs, rien ne nous obligera, on aura tous les droits. On se ferait câliner, on pourrait pleurer sur soi-même à nouveau, on ne sera plus jamais responsable, on sera plus enfant que ses propres enfants, on pourrait même s'en débarrasser, les mettre au couvent ou les vendre pour essais anatomique à la Faculté des Sciences - on pourra jouer à des jeux imbéciles, être peu à peu comme un bébé idiot, être l'enfant désespéré de sa propre épouse, être le cadet perdu d'un grand frère sérieux, avoir des exigences, faire des caprices.
On ne sera plus qu'un corps peu à peu. Ce sera bien. Un corps un peu lourd au milieu du Monde, au milieu de la maison, un corps échoué là, à ne plus vouloir bouger vraiment, à attendre.
Un corps que les autres devront nourrir, laver, porter, retourner. Un corps qu'on doit remplir et vider. Un corps plein de sang, de bile, d'humeurs et de merde, un corps un peu effrayant peu à peu qu'il faut faire manger et faire chier, un corps qui sent mauvais et qui encombre l'espace.
Un corps autour duquel on doit tourner, un corps qui dévore tout, qui empêche les autres de vivre, qui les engloutit, les dévore et les noie, un corps égoïste et monstrueux qui nie l'existence des autres corps, qui ne parle que de lui.
On attendra la Mort. On retournera à l'état d'avant la Naissance.
On ne veut rien d'autre que le soin des autres, on ne donne plus rien, on exige tout. On a peur aussi - à trop jouer on se perd à son propre jeu, on se laisse engloutir dans sa propre imagination- on a peur de cette lente et douce descente vers la douceur extrême, la mollesse et l'abandon.
On s'effraie de ce bien-être qui vous prend, de cette faiblesse si paisible. Le plaisir à se regarder mourir sans souffrance. S'aimer soi-même et flotter peu à peu entre le rêve et la réalité, être épuisé et heureux de disparaître, ne plus rien sentit, ne plus rien éprouver. Délirer un peu, avoir peur parfois, voir des fantômes, des vampires, donner sa fille à un médecin disséqueur de jeunes femmes, battre les enfants, confondre sa bonne avec un vieillard, se faire couper un bras, arracher un oeil, faire le mort, être mort vraiment.
Disparaître. Rester seul, avec juste, s'éloignant, de plus en plus lointaine, la voix de la sagesse qui tenterait de vous maintenir en vie, de vous garder en conscience. Rester seul enfin, médecin de ses propres douleurs, être bien sans personne, n'avoir jamais de comptes à rendre, être bien, oui, comme avant de naître, comme après mourir, pareil.
Critiques
- Le Mondepar Rédaction
Farce en grand deuil
Un spectacle sombrement comique de Jean-Luc Lagarce
(abonnés)
Archives des représentations
-
La Coursive
|
La Rochelle
13 déc. > 14 déc. 1994
-
Le Salmanazar
|
Epernay
09 déc. > 10 déc. 1994
-
Théâtre de l'Est parisien
|
Paris
27 sept. > 30 oct. 1994
-
Schlosstheater
|
Schwetzingen
17 sept. > 18 sept. 1994
-
TNB
|
Rennes
19 mai > 24 juin 1994
-
Théâtre Sorano
|
Toulouse
13 mai > 17 mai 1994
-
Le Parvis
|
Ibos
10 mai > 11 mai 1994
-
Le Théâtre - Mâcon Scène Nationale
|
Mâcon
03 mai > 04 mai 1994
-
Théâtre de la Renaissance
|
Colombelles
19 avr. > 23 avr. 1994
-
Centre de Recherche et Action Culturelle
|
Valence
12 avr. > 13 avr. 1994
-
Théâtre Municipal de Béziers
|
Béziers
05 avr. > 06 avr. 1994
-
Le Cratère
|
Alès
29 mars > 30 mars 1994
-
Maison de la Culture de Chambéry
|
Chambery
24 mars > 26 mars 1994
-
Comédie - CDN de Reims
|
Reims
15 mars > 16 mars 1994
-
La Halle aux Grains
|
Blois
11 mars > 12 mars 1994
-
Théâtre en Mai
|
Dijon
28 mai > 29 mai 1993
-
Transversales
|
Verdun
05 déc. 1994
-
Grrranit
|
Belfort
10 mars 1993
-
Uckermärkische Bühnen
|
Schwedt
25 sept. 1994
-
La Luna
|
Maubeuge
30 mars 1993
-
Le Dôme Théâtre
|
Albertville
22 mars 1994
-
L'ARC
|
Le Creusot
06 mai 1994
-
Staatstheater
|
Cottbus
21 sept. 1994
-
Théâtre Municipal de Denain
|
Denain
19 mars 1993
-
Centre d'Action Culturelle Jean Renoir
|
Dieppe
27 avr. 1994
-
Festival Perspectives
|
Saarbrücken
14 sept. 1994
-
La Passerelle
|
Gap
15 avr. 1994
-
Kleisttheater
|
Frankfort am Oder
23 sept. 1994
-
Théâtre Municipal de Dole
|
Dole
23 mars 1993
-
Centre Culturel C.D.A.C.
|
Martigues
09 avr. 1994