Ce compagnonnage* avec l’auteur Simon Grangeat me permet de poursuivre cette exploration inépuisable des territoires d’enfance. Parler d’enfance aux enfants. Redonner de l’enfance à celles et ceux qui sont à la fois puissants et fragiles. À celles et ceux dont le désir et le pouvoir d’imaginer s’émoussent face à la répétition mondialement répandue de rêves standardisés.
L’écriture de Simon Grangeat, tournée vers les adultes, est toujours préoccupée par la question d’un théâtre documentaire servi par les émotions de personnages aux histoires singulières et édifiantes.
Cette approche documentaire, à l’œuvre dans son premier texte jeunesse (Du piment dans les yeux, édité aux Solitaires Intempestifs) sera convoquée encore différemment dans ce projet commun.
Ce fait divers nous permet de donner aux jeunes spectateurs d’aujourd’hui une possibilité de « s’armer en pensée » comme dirait Jean-Louis Hourdin. à l’image des enfants de notre fable qui associent leurs imaginations et leurs désirs pour construire une véritable assemblée là où ils n’étaient, au départ, qu’un rassemblement.
Ils revendiquent, à leur manière et à leur hauteur, une forme d’UTOPIE qui questionne nos démocraties modernes. « Ah! que ne grandissons-nous pas pour devenir des enfants », nous suggérait Witold Gombrowicz.
Si nous avons placé ce questionnement philosophique au cœur d’un fait divers littéralement « incroyable », ce n’est pas dans l’objectif d’inviter les jeunes spectateurs d’aujourd’hui à trouver leur salut dans la fuite mais plutôt de les faire résonner et raisonner sur l’urgence de se parler et de rêver ensemble d’un avenir collectif.
À l’heure où se multiplient les « niches » de toutes sortes au sein de notre société démocratique, où s’organisent dans tous les domaines de nombreux « circuits courts », il nous paraît intéressant de mesurer ce que toute minorité « séparée du commun » raconte aux majorités devenues parfois muettes en matière de projet social collectif.

Christian Duchange

* Dans le cadre du dispositif «compagnonnage auteur» financé par Le Ministère de la Culture

Il y a la volonté de faire de la représentation une « sorte de » théâtre politique pour le jeune public qui prendra au sérieux ce fait divers et fera de cette disparition un acte exemplaire et instructif.
Le spectacle se déploiera autour de trois grands axes : - le constat de réelles souffrances issues de notre monde contemporain qui auraient pu motiver la décision des enfants de disparaître ; - le récit supposé de leurs négociations pour organiser leur fugue ou comment ils ont pratiqué une démocratie à hauteur d’enfants ; - une évocation de leur séjour dans la nature où ils ont disparu sans laisser de trace.
Trois axes au coeur d’une mise en scène improvisée et brûlante, où les mots seront tantôt ceux d’une interrogation directement adressée au public, tantôt ceux de personnages immergés dans des fictions recréées pour les besoins de l’enquête. Ce récit, à la fois vrai et reconstitué, aura des allures de procès philosophique autant que d’épopée fantastique.
Deux formes, pour s’adresser à toutes et tous dans les théâtres, mais aussi en dehors, dans vos espaces et porter avec autant de force, d’humour et d’émotions les aspects politiques de cette fable.
La forme «plateau» comprends un travail du son et de la lumière au coeur d’un espace scénique sans cesse redistribué, comme la parole dite par les comédiens-enquêteurs, afin que les spectateurs vivent cette fable émancipatrice dans un dispositif mouvant et ludique.
Dans la forme «tout lieu», le texte prend un tout autre chemin esthétique, dans une mise en scène épurée et plus légère.