Domaine étranger [2017-2023]

Finlandia ; Kotatsu ; GHOSTs ; Teatro ; Desaparecer ; Prima ; Al Sowan
Domaine étranger [2017-2023]
Image du spectacle

Finlandia

Pascal Rambert

Finlandia est une pièce pour une comédienne, un comédien et une petite fille. C'est un couple d'artistes interprètes, parents d'une petite fille de 9 ans. Elle, travaille et réussit dans le milieu du cinéma, lui poursuit sa carrière dans l'ombre. Il vient lui rendre visite en Finlande, dans sa chambre d'hôtel pendant qu'elle tourne dans une grosse production chinoise, et que leur fille de 9 ans dort dans une chambre voisine. Ils se disputent. Tout explose.

Note d'intention par Pascal Rambert

J’ai écrit Finlandia pour les acteurs espagnols Israel Elejalde et Irene Escolar. Je l'ai créé à Madrid en septembre 2022. Le spectacle a affiché complet pendant tout le mois de septembre dès la première et depuis le spectacle tourne partout en Espagne et sera repris pour un mois de nouveau en septembre 2023 à Madrid avant de repartir en tournée. D’habitude je crée mes spectacles en France puis je monte des versions un peu partout dans le monde. Ici je fais le contraire. Je n’avais pas pensé le monter en France. Mais devant la réception du public espagnol j’ai décidé d’en faire une version française. Ce qui m’a décidé à le faire c’est également la rencontre artistique avec deux acteurs français d’une puissance folle Victoria Quesnel et Joseph Drouet tous deux découverts dans les spectacles de Julien Gosselin. Finlandia raconte la lutte entre un père et une mère pour la garde de leur enfant. Ce n’est pas Clôture de l’amour. C’est pire. Pire dans ce que les êtres humains peuvent faire. Dans ce que des parents peuvent faire. Il y a eu la passion mais quand la passion se retire ce qui reste entre les êtres au moment des choix devient souvent hideux. Violent. Et fait se répandre la souffrance. Mais aussi le sentiment d’une nouvelle liberté quand on est allé jusqu’au bout de ce qui nous semblait juste.

Entretien : Pascal Rambert & Pauline Roussille

Contexte et sous-texte : écrire pour. 

“Mes pièces ont l’identité des interprètes pour qui j’écris. Non pas une identité biographique mais une identité énergétique, vocale, imaginaire.” Pascal Rambert

Pascal Rambert écrit pour. Ses pièces n’arrivent jamais ex nihilo, elles sont, toujours, le fruit d’une rencontre nouvelle ou d’un lien qui se tisse au long cours. Chaque objet, comme il les appelle, convoque ses interprètes avec la même évidence que la fiction qui s’y joue, l’une émanant de l’autre dans une mystérieuse alchimie entre sujet humain et sujet narratif. Derrière “Finlandia”, qui sera créé en version française en deuxième partie de saison prochaine aux Bouffes du Nord, il y a la volonté première d’écrire pour Irène Escolar et Israel Elejalde, interprètes espagnols rompus à la langue du dramaturge. Irène jouait le rôle d’Audrey Bonnet dans “Hermanas”, la version espagnole de “Sœurs”. Israel jouait le rôle de Stanislas Nordey dans “La Clausura del amor”, la version espagnole de “Clôture de l’amour” ainsi que dans “Ensayo” (“Répétition”). Deux interprètes familiers donc pour qui Pascal écrit ce huis clos du déchirement, dispute nocturne qui signe l’implosion d’une cellule familiale. Mouvement inverse à ses habitudes (si tant est qu’il ait des habitudes) puisque d’ordinaire ses pièces se jouent d’abord dans leur version française avant d’être traduites et jouées à l’étranger. Ce duo sous haute tension, Pascal le pense pour eux, pour leur corps, leur voix, leur débit, leur énergie. Comme une combinaison de peau qu’ils enfileraient au plateau. “L’espagnol madrilène est très rapide. C’est ce débit-là que j’avais en tête, qui répond à mon rapport énergétique à la langue”. Chose faite. Le résultat s’est joué à guichet fermé et poursuit une tournée en Espagne avant de rendre son décor en vue de la version française qui sera portée par deux jeunes et prodigieux comédien.nes découvert.es chez Julien Gosselin : les lumineux Victoria Quesnel et Joseph Drouet.

Identique et différent, ni tout à fait la même ni tout à fait une autre

C’est donc avec une nouvelle distribution mais dans la même scénographie que “Finlandia” se projette en France. Le décor, récupéré et réutilisé, dans un évident souci écologique, servira de cadre à ce nouvel affrontement, en langue originale cette fois. Une chambre d’hôtel à l’étranger, dans le même esprit que dans “Ranger” qui se passait à Hong Kong. “Finlandia” annonce d’emblée son ancrage territorial et si toutes les chambres d’hôtel chic se ressemblent, conçues sur le même moule, l’environnement a, comme toujours dans les pièces de Pascal Rambert, une importance particulière puisqu’il déteint sur les êtres. Toujours, en toile de fond, les questions de langues, de culture, de tradition, de climat aussi, impactent les comportements et personnalités, et affleurent dans les dialogues ou monologues écrits par un artiste globe-trotter qui crée à l’international et s’imprègne de la “psychologie” de chaque pays qu’il côtoie. Avec l’idée que le cadre agit sur les êtres. Que la situation géographique fonctionne comme un révélateur. “Je suis souvent allé en Finlande, c’est un pays que j’aime beaucoup et finalement assez peu connu qui se fond dans ce qu’on appelle “le nord de l’Europe”. Comme je savais que j’allais monter la pièce à Madrid, je cherchais un endroit antinomique qui puisse matérialiser la tension entre les parents au cœur de la pièce. Ce que je remarque c’est qu’en Espagne les acteur.ices sont extrêmement engagé.es, sans compromis. Ils et elles n’ont pas l’intermittence et doivent enchaîner les projets et comme la condition féminine est très tendue, je constate aussi chez les actrices un niveau d’engagement particulièrement puissant.” La pièce est ainsi construite, écartelée entre Madrid et Helsinki, la distance parcourue en voiture par un père, quarantenaire, qui décide d’aller chercher sa fille au beau milieu de la nuit, là où tourne sa mère, actrice “bankable” au casting d’une grosse production cinématographique.

Une pièce qui brûle, les doigts dans la prise avec l’époque

Contrairement à “Clôture de l’amour” qui se jouait à deux dans le face à face intransigeant du couple en train de rompre, “Finlandia” s’ouvre à la scission familiale puisque la fille des deux protagonistes, bien qu’en hors champ la plupart du temps, est au cœur des enjeux de la pièce. « Je voulais faire quelque chose de laid. Une pièce très concrète, très réaliste, très ancrée. Et très actuelle. Ou les rapports sont extrêmes, bêtes et violents. ». Il est 3h du matin et entre l’homme et la femme, tout est bloqué. En premier lieu la communication. Lui ne devrait pas être là. En sautant dans sa Volvo pour parcourir d’une traite Madrid-Helsinki, il a commis une folie, inconséquente, intrusive et maladive. « J’explore l’ensemble des fils affectifs entre les gens. J’écris sur des lignes de crête et de haute intensité. Mes personnages féminins se sortent toujours de la gangue, de l’emprise. Ils quittent la douleur pour s’émanciper. » Le langage est le vecteur de cette émancipation. Il est à la fois dévastateur et libérateur. Qui dit vrai, qui ment ? Où se niche la mauvaise foi ? Impossible de le savoir vraiment, chaque prise de parole passe par le prisme de celui qui s’exprime et la présence en sourdine de l’enfant attise la souffrance à l’œuvre dans le tête-à-tête. Dans ce lieu aussi intime qu’anonyme, dans cette nuit fatale du déchirement paroxystique, un homme et une femme s’affrontent avec fracas. Et dans les débris de leurs reproches et invectives, dans les gravats de leur règlement de compte ultime, dans les ruines de leur relation, git pourtant ce qui restera par-delà leur désunion : leur fille. Qui, du père ou de la mère emportera le morceau, à savoir la garde ? Pascal Rambert ne résout pas l’équation mais clôt son texte par une scène qui dit tant et tout et résonne une fois de plus avec la complexité de nos liens.

Source : Texte réalisé par Marie Plantin d’après un entretien mené avec Pascal Rambert et Pauline Roussille le 20 juin 2023

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