Présentation
Carolina Bianchi est une artiste brésilienne née en 1988 à Porto Alegre, aujourd’hui installée à Amsterdam. Auteure, metteure en scène et performeuse, elle construit depuis plusieurs années une œuvre singulière à la frontière du théâtre, de la performance et des arts visuels. Son travail, profondément ancré dans le corps, explore les relations entre fiction et réalité, désir et violence, mémoire et représentation.
Après une décennie de création à São Paulo, où elle s’impose comme une figure montante de la scène indépendante, Bianchi fonde le collectif Cara de Cavalo – un espace de recherche scénique et politique où se rencontrent artistes, performeurs et penseurs. Le collectif devient le cadre privilégié de son écriture scénique : un théâtre performatif et sensoriel, nourri par la littérature, la danse, le cinéma et l’art plastique. En 2022, elle obtient un master au DAS Theatre de l’Amsterdam University of the Arts, où elle approfondit sa réflexion sur les formes de présence et les dramaturgies du réel.
Son œuvre se distingue par une approche radicale des questions de violence de genre, de féminicides et de représentation du corps féminin dans la culture contemporaine. Bianchi interroge la manière dont la société documente, invisibilise ou consomme la violence faite aux femmes. En mêlant archives, récits intimes, matériaux autobiographiques et images de la culture populaire, elle crée des performances à la fois poétiques, sensuelles et dérangeantes, où la vulnérabilité devient un lieu de résistance.
Sa pratique repose sur une mise en danger réelle du corps, sur un engagement émotionnel et physique extrême. Pour elle, le corps de la performeuse est un espace politique : un champ de bataille, un territoire de mémoire et de transformation. À travers ce rapport au risque et à l’exposition, elle propose un théâtre qui ne représente pas la violence mais la traverse, la déconstruit et en révèle les mécanismes.
L’un de ses projets les plus marquants est la Trilogie Cadela Força (« Force de chienne »), initiée en 2023. Ce cycle explore différentes formes d’oppression et de résistance liées au genre. Le premier chapitre, A Noiva e o Boa Noite Cinderela (« La Mariée et Bonne Nuit Cendrillon »), présenté au Festival d’Avignon, revisite l’histoire tragique de l’artiste italienne Pippa Bacca, violée et assassinée alors qu’elle traversait l’Europe en robe de mariée pour un projet pacifiste. Bianchi y met en jeu la question du consentement, du corps exposé et du regard du spectateur.
Le deuxième chapitre, The Brotherhood (2025), aborde la complicité masculine et la reproduction des violences systémiques dans les sphères artistiques et sociales. Par une esthétique de la friction, la pièce dévoile la persistance d’un patriarcat collectif et interroge la possibilité d’une fraternité différente. Le troisième chapitre, en préparation, prolongera cette réflexion sur la mémoire du trauma et la puissance de la création féminine.
Parallèlement à cette trilogie, Bianchi a signé plusieurs pièces devenues emblématiques : Mata-me de Prazer (2016), LOBO (2018) ou O Tremor Magnífico (2020). Toutes participent d’une même recherche : faire du théâtre un lieu d’expérience sensorielle et politique où la beauté, la peur et la tendresse cohabitent.
En 2025, Carolina Bianchi reçoit le Lion d’argent de la danse à la Biennale de Venise, distinction qui reconnaît son influence sur les scènes contemporaines européennes et latino-américaines. Ses œuvres ont été présentées au Festival d’Avignon, au Holland Festival, au Kunstenfestivaldesarts, au Hebbel am Ufer (Berlin) et dans de nombreuses institutions internationales.
Artiste inclassable, Carolina Bianchi conçoit chaque spectacle comme un espace d’affrontement entre art et réalité. Elle y déploie une écriture du corps et du langage où se mêlent érotisme, peur, mémoire et insoumission. À travers ses performances, elle invente une dramaturgie du trouble : un théâtre de la survivance qui fait du geste artistique un acte de résistance vitale.