
Opération rumba
Deux frères cherchent leur destin dans la quête des origines à travers un voyage épique et musicale bordé de paysages, de rythmes et d'histoires pétillantes et piquantes à la fois. Ainsi se tisse au fil des rencontres une voix qui les emmène vers le but rêvé en compagnie d'une saga de personnages fantasques et tous loufoques entre fictions et réalités, entre mythes et tranches d'Histoire, entre anecdotes extraites des chansons populaires et douleurs politiques : vérités historiques. C'est une palette riche en émotions qui serait contre tout attente la découverte des raisons profondes de la rumba.
Préambule
Je travaille depuis quelques années sur la question de l’héritage. Pour la création du spectacle Opération Rumba, je m’intéresse à la notion de l’héritage populaire en osmose avec la poésie de son temps. La question de la création de la rumba touche aux poétiques des libertés face à des voix empreintes d’esthétiques impériales. Si la rumba congolaise naît pendant la période coloniale dans les deux Congo, ses influences sont beaucoup plus ancestrales, bien avant la pénétration occidentale dans le royaume Kongo. En passant par les routes de l’esclavage pour arriver à Cuba jusqu’à son retour au pays natal, la rumba congolaise demeure aujourd’hui l’un des témoins vibrants du Cahier d’un retour au pays natal cher à Aimé Césaire. Mais revenue sous les hospices de la colonisation belge et française, cette musique va à son tour devenir le symbole majeur des luttes d’indépendance jusqu’à son acquisition certaine. C’est un chemin poétique car la réappropriation de ce patrimoine devenu universel s’est faite d’un point de vue esthétique. Une esthétique qui n’enferme pas mais libère en invitant d’autres cultures à dialoguer en son sein afin de se trouver une aspiration contemporaine pour répondre aux enjeux de son temps, tout en demeurant une musique populaire qui permet au plus grand nombre de s’y retrouver, d’y participer. L’exemple le plus marquant est la chanson Indépendance Tcha-tcha de Joseph Kabasele conçue pour les travaux de la Table Ronde à Bruxelles en vue de négocier l’indépendance du Congo-Belge et devenue l’hymne des indépendances africaines. Je pourrais également citer l’arrivée des démocraties en Afrique centrale annoncée par des rumbas festives porteuses de messages ayant trait à la conscience politique et sociale ou encore aux critiques portées sur les guerres civiles, les dictatures et les systèmes de corruption. Mais la rumba est loin d’être une musique de revendication ou une musique rebelle ; elle est avant tout la musique de l’amour souvent chantée en lingala (langue nationale des deux Congo). Et c’est pour garantir les bien-fondés de sa passion qu’elle se sent obligée de porter un regard constructif sur ce qui cause préjudice à l’être humain.
Dieudonné Niangouna
Note de mise en scène
Quelques intentions claires et bien précises qui me tiennent lieu de vérité sur cette
création :
- Une décharge musicale à haute tension, qui ponctue le passage entre chaque scène chaque tableau et chaque chapitre. Les musiques sont jouées sur scène par les musiciens-acteurs : Pierre Lambla et Rodriguez Vangama qui en assurent la composition et la direction. C’est une variété de rumba : musiques traditionnelles des peuples du Congo (Brazzaville et RDC) berceau de toutes les influences rumba à venir, euphorie carnavalesque, frasque déhanchée sans genre à proprement nommé comme signifier l’objet de la recherche, transe et ballades de jazz, retour à l’authenticité réinventée, rumba des années cinquante jusqu’à la période de l’indépendance, Tango ya bâ Wendo (le temps des Wendo, nostalgique de la vieille époque qui signe la profondeur de la vieille rumba), puis la période Cha-cha, yéyé, mambo, rumba des années soixante-dix jusqu’à l’arrivée de la Rumba Rock par Papa Wemba, Rumba des années quatre-vingt avec le Soukouss et les années quatre-vingt-dix jusqu’à l’arrivée du Ndombolo par Koffi Olomidé, rumba décalée des années 2000 en sagacité jusqu’à l’arrivée du Coupé-Décalé et de là à nos jours... Toutes les comédiennes de la distribution sont également des chanteuses, elles assurent la partie chant en solo comme en chœur.
- La danse balaie le plateau après chaque scène, mouvement, tableau et acte. Elle est articulée de façon chorégraphique. C’est un ballet dans son bateau Titanic qui coule mais ne finit jamais de couler et personne n’en est encore mort. L’euphorie de joie est délirante. Les danses sont apprises, maitrisées, dirigées par la chorégraphe et danseuse Stella Keys Ladys qui pratique une danse très intense à la croisée entre l’Afro-danse, le Ndombolo, la danse contemporaine, le hip-hop. C’est une vraie symbiose. Et c’est cette dynamique qui rythmera toute la pièce par séquence en tranches de ballet chorégraphique.
- La scénographie tire un large trait d’union entre un monde qui dort, sobre, sombre avec son Titanic dans les eaux du fleuve Congo au crépuscule et un monde qui se lève naissant, sortant des abîmes à l’aurore d’un fleuve vert comme l’espérance des arbres. Les deux univers ne s’alternent pas. Non. Ils sont en même temps, sans cohabiter. La scène est divisée en deux, chacun des univers occupe un côté, cour ou jardin, et prononce son existence de façon intemporelle. Le temps ne passe pas mais il n’est pas figé, il bouge, circule, mais ne passe pas. Il est annoncé par un acteur au pied d’une horloge. Il n’y a que les personnages qui passent d’un univers à un autre avec une fluidité poétique qui nous fait échapper au réalisme cuisant pour être dans une dimension plus abstraite, plus ouverte au doute et à la souplesse. Une maison est installée au haut d’une montagne, elle brûle de l’intérieur mais ne se consume jamais. De l’extérieur on y aperçoit la lumière rouge de fournaise et le bruit d’un volcan en exercice. Des rails de train circulent entre les deux univers servant de moyen de passage pour le voyage incessant entre les trois continents. Il y a de la vidéo projetée sur écran en fond de scène. Son esthétique est de l’ordre du documentaire. Série d’archives sur les pionniers de la rumba, et les images ayant trait à la dimension historique de façon politique à la gestation de la rumba tricontinentale venue de l’Empire Kongo dans le bassin du Congo regroupant le nord-est de l’Angola, le sud-ouest de la République Démocratique du Congo et de la République du Congo-Brazzaville, enfin le sud du Gabon. Il y aura également des interviews qui seront tenues sur l’espace de projection. Et son dernier élément serait un ensemble de matériaux comme scène de jeu qui, ne pouvant pas passer sur scène pour des questions logistiques, seront réalisés donc, tournés par la réalisatrice et vidéaste Aliénor Vallet avec les acteurs et personnels d’appoint.
- Les lumières suivent les ambiances de la scénographie et sa vérité intemporelle où le temps circule mais ne passe pas. Les lumières ne construisent pas un temps fonctionnel. C’est un temps de rêve. Le contraste des ambiances est une fête. Les couleurs sont assumées. Et les ombres, toujours, avec beaucoup d’ombres, portées et projetées ; c’est la multiplication de ce que nous sommes, c’est notre côté augmenteur de nous mêmes. Être ce que nous sommes ne nous suffit pas, c’est de l’être avec passion.
- Les costumes jouent du décalage pour rattraper le côté super star et voyou des vedettes de la rumba, affirmé comme il se doit de façon ostentatoire et bien provocante. C’est un ballet de défilé de mode à la congolaise.
- Le son suit la musique et la musique suit le son. Le sondier Felix Perdreau travaillera de concert avec les musiciens, les acteurs pour la sonorisation et le scénographe car il devra faire parler La Montagne Magique dans son éruption volcanique encastrée dans la maison qui brûle mais ne consume jamais. Il doit faire vrombir la terre et chanter les vagues folles agitées par des sirènes géantes chantant la rumba pour faire couler le Titanic du Congo. Il doit inventer des sifflets stridents des enfers à l’entrée des sissongos tant évoqués dans la pièce et dans l’histoire du texte ci-dessus. Et le vent des Alpes. En bref le son donne une existence charnelle à la scénographie et nourrit émotionnellement les tensions de chaque scène de la pièce.
- Du jeu d’acteur il n’y en aura que peu afin qu’il soit mieux soigné et lisible, pour laisser la place au texte pour respirer dans un espace justement encombré. Entre chansons ambiantes, danses virtuoses, costumes d’apparat, décors flambant et coulant, vidéos documentaires, la parole se doit d’être précise et bien aiguisée. Limpide parce que tout autour est la toile qui rend compte de sa mansuétude. Le comédien privilégiera la mise en bouche et en respiration du texte à l’incarnation des personnages. Ces derniers seront portés de façon symbolique et non pas incarnés. On les fera sonner musicalement avec un rythme particulier pour dévoyer la sensualité ; c’est l’objet même de la rumba. On le fera entendre comme des médaillons sur des portiques, comme des oriflammes aux vents, comme des stèles érigées à l’entrée de l’histoire. C’est elle, l’histoire qui sera vue et entendue, à travers une articulation particulière du texte que je vais créer pour ce spectacle. Elle sera parole avant d’être tout autre manière expressive, avant d’être une matière autre qu’elle-même.
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Calendrier des représentations
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La Filature, Scène nationale de Mulhouse | Mulhouse
Archives des représentations
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12 oct. 2025
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Amiens
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