Par David Lescot

Je suis trop vert est la suite de J’ai trop d’amis, qui faisait suite à J’ai trop peur. Après l’été passé à appréhender dans l’angoisse son entrée en sixième (J’ai trop peur), après les premiers jours de cette nouvelle vie scolaire et sociale (J’ai trop d’amis), Moi poursuit son apprentissage de la 6e, cette époque charnière de la vie : cette fois on l’envoie en classe verte.

Moi et ses camarades de 6eD sont hébergés dans une famille de paysans à la tête d’une petite exploitation agricole. Ils découvrent la vie rurale : qui s’apprêtaient à s’ennuyer, vont surtout devoir survivre dans un milieu âpre, rude, beaucoup plus bruyant que prévu, fait de levers aux aurores, du rapport direct et brutal avec la terre et les éléments, et même (car il n’est pas question de ne pas participer au travail à la ferme) de tâches harassantes et dangereuses au contact des bêtes ou des machines agraires. Ils sont guidés dans cette vie nouvelle par Valérie, la fille de la famille, et qui ne les ménage pas dans cette initiation. Mais le monde paysan leur font aussi découvrir la nature, la vraie, ses réalités et ses légendes. Dans le même temps, à la maison, la petite sœur de notre héros a pris conscience des périls qui pèsent sur notre environnement… 

Comme pour J’ai trop d’amis, le dispositif scénique reste le même que celui de J’ai Trop peur, une sorte de boîte à jouer semée de trappes et d’ouvertures, propre à camper et à défaire toutes sortes de lieux en quelques secondes.
De même, la distribution, qui compte les mêmes comédiennes que pour les deux premières pièces du triptyque, fonctionne de la même manière, chacune d’entre elles sachant interpréter tous les rôles de la pièce, ce qui crée un nombre incalculables de combinaisons possibles.

Entretien avec David Lescot - Propos recueillis par Maïa Bouteillet

Qu’est-ce qui vous a inspiré cette nouvelle pièce ?

DAVID LESCOT : La campagne, la vie au contact de la nature, les questions liées à l’environnement… je voulais que le personnage soit
projeté dans cet univers, que je connais bien parce que j’ai vécu de 7 à 11 ans dans un petit village de l’Essonne, Puiselet-le-Marais, en milieu rural, avec une école primaire à classe unique. J’ai beaucoup de sensations, de souvenirs qui viennent de là. Je me suis construit au contact de la nature et de l’imagination que cela développe : je viens d’une famille de théâtre mais je n’aurais sans doute pas fait ce métier si je n’avais pas eu cette enfance à la campagne… Aujourd’hui, la question écologique est beaucoup plus présente qu’à l’époque où j’avais l’âge des personnages,
cette pièce est une manière de réfléchir à tout cela, mais toujours avec humour, ce qui permet de mieux voir les choses. Je voulais aussi parler de la réalité du travail paysan.

Vous êtes-vous documenté ?

D. L. : Il se trouve que Suzanne Aubert, l’une des actrices qui a créé J’ai trop peur et J’ai trop d’amis, est devenue agricultrice. Je suis
donc allé travailler chez elle pour être au contact de cette vie-là tandis que j’écrivais la pièce. Elle fait une agriculture raisonnée, dans une démarche très engagée, elle avait beau- coup de choses à m’apprendre : je ne savais pas, par exemple, que le sol le plus fertile c’est celui de la forêt. J’essaye moi-même de transmettre. Je parle aussi beaucoup avec des enfants de cet âge-là pour m’imprégner de la réalité de la 6e.

Vous jouez beaucoup avec la dimension sonore.

D. L. : Quand j’ai créé J’ai trop peur, le premier volet de cette trilogie au Théâtre de la Ville déjà, en 2015, nous avons inventé ce dispositif scénique transformable que nous avons repris pour les deux pièces suivantes. Et nous avons travaillé un système où toutes les actrices peuvent jouer tous les rôles. Elles ont commencé à jouer avec les sons ; petit à petit, elles sont devenues des génies du bruitage. Quand elles font les mouettes, la mer, la nuit… c’est extraordinaire. Aussi, quand nous avons parlé de ce nouveau projet autour
de la ferme, nous avons aussitôt pensé aux bruits de la campagne, des animaux… c’est tout sauf calme la campagne ! Aujourd’hui,
c’est presque le plateau qui influence le texte, c’est aussi ça l’écriture de théâtre.