
Le Mandat
Sept ans après la chute du Tsar, dans un appartement communautaire de Moscou, deux familles espèrent trouver leur place dans une Russie en pleine révolution. Pour y parvenir, les Smetanitch et les Goulatchkine espèrent que le fils de la première famille épousera la fille de la seconde. Et surtout, que le frère de cette dernière entrera au Parti communiste pour se procurer un « mandat » qui assurera à toutes et tous la sécurité nécessaire en ces temps troublés.
Dans cette farce burlesque, pleine d’absurdité, deux visions du monde s’affrontent : celle des nostalgiques de l’ordre ancien, les tsaristes, et celle de la petite-bourgeoisie post-révolutionnaire. Patrick Pineau monte avec brio cette première comédie de Nicolaï Erdman, interdite jusqu’en 1987 en Russie. Les treize acteur.rices, magnifiquement dirigé.es, incarnent avec fougue des scènes comiques où les quiproquos, bons mots et situations ubuesques s’enchaînent, dénonçant la violence de la politique stalinienne et la paranoïa généralisée de cette époque.
Présentation par Magali Rigaill, dramaturge
Nous sommes en Russie, sept ans après la chute du tsar. Deux familles tentent de conserver à tout prix leur place dans une société en pleine mutation. D’un côté, les Goulatchkine à l’esprit petit-bourgeois postrévolutionnaire, de l’autre les Smétanitch nostalgiques de l’ordre ancien. Une seule solution pour survivre : marier le fils Smetanicht avec la fille Goulatchkine dont le frère Pavel Sergueïevitch est chargé d’entrer au parti et ainsi d’obtenir le mandat censé assurer la sécurité des deux familles. Aux côtés de Patrick Pineau, c’est une troupe de 13 acteurs qui promet de porter le tragicomique à son comble pour mettre en pièces par un rire ravageur les travers d’une société à bout de souffle.
Se moquer des autres, quoi de plus facile ? Se penser plus intelligent que tout le monde, quoi de plus simple ? Enfoncer des portes ouvertes sur un ton sentencieux et pontifiant, quoi de plus habituel ? Être pour ou contre, louer ou blâmer, adorer ou haïr, distribuer à l’emporte-pièce des bons et des mauvais points, étant posé a priori que l’on fait soi-même parti du bon camp, quoi de plus ordinaire ? Mais quoi ? Ne faudrait-il donc pas aussi, avant de juger, prendre le temps d’un examen, sans en exclure quiconque, en particulier soi-même ? Et surtout, avant d’adopter à l’égard des autres et du monde une posture de surplomb, ne faudrait-il pas prendre le temps du recul sur soi pour faire preuve d’un minimum d’humilité ? Car qu’est-ce que la bêtise, si elle cesse d’être l’apanage des autres ? Telles sont les questions hautement philosophiques, et peut-être politiquement salutaires, que nous invite implicitement à nous poser Nicolaï Erdman avec Le Mandat, pièce aussi comique que subversive écrite en 1924, à l’aube du stalinisme. Cette pièce ne fait pas appel à notre esprit de sérieux, auquel nous ne sommes déjà que trop sujets, mais à notre intelligence sensible, à notre esprit comme sens de l’humour et instinct du jeu.
Nicolaï Erdman est un libre penseur irrévérencieux qui, par son écriture, contraint la pensée à prendre de la hauteur sans avoir l’air d’y toucher, et cette élévation est une forme de libération jubilatoire, dans le rapport à la bêtise et à la folie. Cependant prendre de la hauteur n’est pas prendre de haut les autres, car le libre penseur n’a besoin d’abaisser personne pour réussir à s’élever. Il lui suffit de faire un pas de côté pour s’extirper des préjugés, ce qui le sauve de tout mépris dans le rapport à autrui comme de tout parti pris dans le rapport aux catégories binaires qui aliènent la pensée commune.
Cette hypothèse de lecture du Mandat s’oppose aux deux lectures principales ayant jusqu’à présent dominé la réception de l’œuvre : l’une y voit un portrait à charge de la bourgeoisie, tournée en ridicule, et l’autre un portrait glaçant du totalitarisme, dont le jeune auteur aurait eu le pressentiment. Sans remettre en cause la légitimité de ces lectures, il est possible de les dépasser, et de voir dans l’esprit du texte tout autre chose, de l’ordre de « l’intelligence qui s’amuse ». Cela revient à s’en remettre à la force comique et à la puissance humoristique des répliques et des situations inventées par Erdman, sans prétendre être plus intelligent que l’auteur, au risque sinon de tordre le cou à une pensée dont l’intérêt est précisément de ne pas être arrêtée.
Critiques
Scenewebpar Nadja PobelLe Mandat, respecté à la lettre
Fidèle à la profonde nature de vaudeville qu’est Le Mandat, Patrick Pineau livre une mise en scène échevelée pour ses retrouvailles avec Erdman. Derrière les rires en cascade, la terreur des personnages face au nouvel ordre politique est abyssale.
Un fauteuil pour l'orchestrepar Sylvie BoursierDieu, Marx, le tsar, maman et le Parti tournent comme des poulets sans tête
Patrick Pineau maîtrise la rythmique si particulière du dramaturge proche du dessin animé, il l’avait déjà montré avec sa mise en scène du Suicidé.
Recommandation :fff
Téléramapar Fabienne PascaudUn truculent vaudeville soviétique
Cette pièce effrontée, écrite en 1925 par Nicolaï Erdman, démonte les mécanismes des dictatures. Patrick Pineau et une alerte distribution font revivre cette satire du pouvoir russe avec beaucoup de drôlerie.
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Les Inrockspar Patrick SourdAvec “Le Mandat”, Patrick Pineau exalte le rire russe révolutionnaire
Le metteur en scène a la belle idée de monter la première pièce de Nicolaï Erdman, grand succès comique du théâtre russe d’après la Révolution, un texte à l’ironie irrésistible.
Les Trois coupspar Trina MounierUn monde en décomposition
C’est avec un plaisir non dissimulé que le public des Célestins a retrouvé Patrick Pineau et sa troupe de comédiens pour la création de la première pièce de Nicolaï Erdman, jeune auteur russe des années 20 au destin avorté.
L'Œil d'Olivierpar Peter AvondoAvec Le Mandat, Patrick Pineau oscille entre farce et satire
Aux Célestins - Théâtre de Lyon, le metteur en scène retrouve la plume d’Erdman dont il avait monté Le Suicidé en 2011.
La Terrassepar Manuel Piolat SoleymatLes désordres et les petitesses de l’humain
Une cavalcade de quiproquos, de débordements, d’écarts, de déboires font suite à cette entente mise à mal par l’irruption d’une cuisinière déguisée en impératrice.
Calendrier des représentations
Les Bords de Scènes, théâtres et cinémas | Juvisy-sur-Orge
Théâtre Saint-Louis | Cholet
L'Avant Seine / Théâtre de Colombes | Colombes
Maison de la Culture d'Amiens | Amiens
Espace culturel Robert Doisneau | Meudon
Théâtre Edwige Feuillère | Vesoul
Théâtre du Beauvaisis | Beauvais
Archives des représentations
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L’Espace des Arts – Scène nationale de Chalon-sur-Saône
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Chalon-sur-Saône
06 févr. > 07 févr. 2025
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La Comédie de Saint-Étienne
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Saint-Etienne
14 janv. > 16 janv. 2025