
Au bout de ma langue
Une histoire entre deux langues, deux mondes
Taym a neuf ans quand il arrive en France. Autour de lui, le français est un bruit de fond incompréhensible. Un jour, il se tait. Se réfugie dans le silence. Peu à peu, ceux qui l’entourent — son père musicien, sa grand-mère au téléphone, sa maîtresse bienveillante — lui offrent d’autres voies. Des voix. Un magnétophone, des chansons, des fragments sonores deviennent les fils d’une reconstruction intérieure.
Au bout de ma langue est le récit d’un déracinement, mais aussi d’un tissage : entre mémoire et transmission, entre langue d’origine et langue d’accueil, entre passé et avenir. C’est un théâtre du lien, de la mémoire, et de la reconnaissance.
Une création pensée pour des lieux de vie
Imaginé pour être joué dans une mairie, ce spectacle s’inscrit dans le projet 4×4 des Tréteaux de France, qui fait surgir le théâtre dans les lieux publics. Il invite à réenchanter les espaces ordinaires, à y faire résonner des récits d’aujourd’hui. La salle des mariages, ici, devient celle d’une autre union : celle d’un enfant avec sa nouvelle langue, son nouveau pays, sa nouvelle vie.
Note d'intention
Par Tal Reuveny
Dans le cadre du projet 4x4, le texte de Simon Grangeat Au bout de ma langue - انا لا اشتكي m’a immédiatement interpellée. En tant que menteuse en scène étrangère arrivée en France il y a dix ans sans parler la langue, je suis profondément touchée par la justesse avec laquelle il capture cette expérience du déracinement. Cette sensibilité rare dans son écriture, cette compréhension fine des silences qui habitent l’enfant réfugié, résonnent intimement avec mon propre parcours et renforcent ma conviction artistique de porter cette histoire sur scène.
Une mairie. Un jeune homme de 18 ans s’apprête à demander, enfin, sa première carte d’identité française. Dans ce lieu symbolique de la République, ses souvenirs affluent. Ils le ramènent neuf ans en arrière, lorsque, petit garçon ayant fui la guerre en Syrie avec sa famille, il découvre pour la première fois ce pays qui va devenir le sien. Face à la violence symbolique d’une langue inconnue, il choisit alors le silence comme refuge, comme une barrière protectrice entre ces deux mondes qui semblent irréconciliables.
Ce silence, pourtant, n’est pas vide. Il est peuplé de voix, de musiques, de souvenirs qu’il a enregistrés lui-même sur de vieilles cassettes - témoignages sonores d’une époque où les mots français lui échappent encore. Ces enregistrements, capturés grâce à un magnétophone offert par une enseignante bienveillante, deviennent les fils conducteurs de son récit : la voix de son père musicien chantant en arabe, celle de sa grand-mère racontant des histoires par téléphone depuis là-bas, ou encore sa mère s’aventurant maladroitement dans ses premiers mots français.
Ces fragments de vie, ces archives intimes, tissent une toile sonore entre le passé et le présent, entre ici et là-bas.
Cette création s’inscrit dans ma recherche artistique plus large sur le pouvoir des voix enregistrées comme passerelles entre les êtres, les époques et les cultures. Après avoir exploré, dans ma précédente création, la relation mère-fille à travers des archives sonores familiales captées au moment où une mère perd l’usage de l’ouïe, je poursuis ici mon questionnement sur la manière dont la voix - présente ou absente, retrouvée ou perdue - façonne nos identités et nos liens aux autres.
Dans cet espace administratif où de nombreux destins se jouent chaque jour, j’explorerai la question fondamentale du déracinement : sommes-nous condamnés à être une fissure entre deux mondes, ou pouvons-nous devenir le pont qui les relie ?
Ce spectacle s’adressera aux jeunes spectateurs dès 9 ans, mais aussi à leurs parents, car il interroge notre rapport à l’autre, à l’ailleurs, et à cette part d’étranger qui existe en chacun de nous. À l’heure où tant d’enfants traversent des frontières et doivent reconstruire leur monde dans une nouvelle langue, Au bout de ma langue porte un message d’espoir : celui qu’entre deux rives, on peut construire des ponts.
Source : Les Tréteaux de France
Calendrier des représentations
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Paris
25 oct. 2025