Ma couleur préférée

Ma couleur préférée
Image du spectacle

Ma couleur préférée

Ronan Chéneau, David Bobée

« Et toi, c’est quoi ta couleur préférée ? » peut-on entendre, encore et toujours, dans les cours de récréation. Une question pas si anodine… Car à travers la réponse, c’est souvent notre histoire, notre culture et nos croyances qui parlent. Pourquoi le bleu serait-il plus beau que le vert ? Pourquoi le rose serait-il de mauvais goût ? Avec sa nouvelle création, David Bobée prend le prétexte de la couleur pour s’adresser aux enfants. Dans une mise en scène volontairement immersive, qui fait la part belle aux jeux de lumières et projections vidéo, il nous embarque dans un musée imaginaire. Celui où le bleu nous plonge aux côtés de Picasso, de Klein ou de Miro, où le rose pose la question du genre, où le vert évoque les enjeux contemporains de l’écologie et où le noir convoque nos peurs : peur de la nuit, peur de l’autre, peur de l’inconnu… À travers ce spectre infini, David Bobée outrepasse la simple question esthétique pour nous rappeler que nos perceptions ne sont jamais anodines. Voilà une belle invitation à s’interroger sur les apparences, à débattre sur le beau et ce qui ne le serait pas. Un spectacle grand format à travers les siècles et les œuvres, pour en voir de toutes les couleurs.

Note d'intention par Ronan Chéneau

Et si la beauté des couleurs, c’était celles et ceux qui les regardent ?


Dans cette histoire de couleur préférée, il y a la question passionnante, philosophique, classique, du jugement de goût.
Question complexe c’est vrai, mais qui peut toucher directement un public jeune, voire très jeune, par quelques angles judicieux :


Qui sait aujourd’hui ce qui est digne d’être porté (vestimentairement parlant, en dehors d’Anna Wintour et autres sapeur.se.s, influenceur.se.s) ?


Qui sait reconnaitre le « bon goût » et le « mauvais » ?


Qui sait parfaitement comment il convient de parler en toute circonstance ?


Qui saura nous dire ce qui est beau ?


Qui peut faire ça sans se tromper ?
(Existe-t-il comme chez Proust, des « professeurs de beauté » ?)


Qui n’est jamais ridicule ?


D’ailleurs, avoir raison, dans une cour d’école ou chez soi, est-ce juste avoir assez de talent pour convaincre les autres ?


Une toute dernière :


Un simple questionnaire suffira-t-il à faire de vous une fraicheur ?


Il n’y a pas d’âge pour s’interroger sur ce qui plait. Sur les apparences. Sur ce qu’on est prêt ou non à assumer. Sur son propre goût et ce qu’on pourra, ou non, concéder aux autres.
Pas d’âge non plus pour interroger sa singularité face à la rumeur, face aux normes, face au groupe et ses attentes.


Dans Ma couleur préférée, on outrepasse vite la simple question esthétique : c’est de tout le sensible qu’il s’agit. Ça brasse des questions d’identité à soi, philosophiques, politiques :


Interroger sur ce qui décide du beau et du laid, du conforme et de l’informe, de l’original, du monstrueux… Questionner les habitudes, les usages.
Il n’y a pas d’âge pour se demander pourquoi certain.e.s méritent à ce point d’être aimé.e.s, admiré.e.s, quand d’autres ne récoltent que moqueries et pelletées de cailloux…
D’autant que les rôles peuvent s’inverser... les popularités changent vite de camp…

En débattant sur les couleurs, trois jeunes personnages très complices au départ, au point qu’ils pensent « ne faire qu’un », voyagent dans l’Histoire. Partis tous les trois à la recherche de la-plus-belle-couleur-au-monde-et-de-tous-les-temps, bien décidés à la ramener chez eux pour changer leur déco, chemin faisant, ils s’embrouillent, se séparent.
Ils interrogent et confrontent leurs subjectivités, leurs sensations premières, « primaires ».
On progresse d’un étonnement à l’autre, on prend position, on fait des pauses, rebrousse chemin, on surfe sur des contenus (on est au XIIème siècle), on hésite, fait des sorties de route, on se rue à fond et explose les obstacles. On s’étonne et apprend avec eux.
Un tsunami de beautés colorées déferle sur leurs subjectivités qui s’opposent. On n’est pas en train d’hésiter chez Ikea entre deux concepts store…


Beautés multiples, insaisissables, celles qu’offrent la nature et les œuvres, mais aussi les hommes, l’Histoire. Les opinions se troublent, se confrontent et s’affinent, les couleurs défilent dans leur diversité infinie.
On fait aussi la curieuse (mais vertueuse) expérience de ne pas être d’accord… avec soi-même.
Ces délibérations sur la couleur et sa préférence montrent l’importance de communiquer et d’insister sur la sensation, même quand elle est confuse. L’importance d’argumenter, de communiquer tout court – et qu’à justifier un sentiment personnel, le confronter aux autres, on l’enrichit toujours, quitte à lâcher prise quelquefois.
« Tous les jugements de goût sont recevables, du moment qu’ils peuvent tous être discutés. »


Ce sera l’occasion de rendre leur noblesse au sensible et aux sens, au concret – pourquoi pas au prosaïque ? au goût prétendument « mauvais » ? :


J’aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires ; la littérature démodée, latin d’église, livres érotiques sans orthographes, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l’enfances, opéras vieux, refrains niais, rythmes naïfs.


Dans cette odyssée esthétique, menée au fil du cercle chromatique, toute beauté devient indécise et troublante, mystérieuse et mouvante. Floue. Car tout comme la couleur, la beauté ne se réduit à aucun objet, aucun récit ni généalogie définitive, à aucune propriété fixe des choses qu’il suffirait de trouver et emporter avec soi, pas plus qu’à un savoir.


Et si la beauté, c’était le débat ?
Si la beauté c’était ne jamais être d’accord ?


Et si la beauté des couleurs était chez celles et ceux qui les regardent ?

Présentation par David Bobée

Ma couleur préférée…
« C’est quoi ta couleur préférée ? » Voilà une question que les grands ne se posent plus. Ils se demandent plutôt « tu fais quoi dans la vie ? » Dans les cours de récréation de maternelles et de primaires, c’est une question qu’on se pose encore avec le plus grand intérêt. La réponse qu’on y apporte est déterminante : elle affirme un choix, une singularité, une identité, elle indique le consensus ou l’anticonformisme.
La couleur est donc une merveilleuse entrée pour s’adresser aux enfants : à partir de cette expérience quotidienne - présente dans les travaux manuels, les choix vestimentaires, la scolarité, la signalétique, etc. – peuvent se dessiner des réflexions sur la subjectivité des goûts et des opinions, l’influence d’une culture, l’originalité d’une création…
Il s’agit d’un spectacle grand format pour petits humains. Il ne s’inspire pas d’un conte, il ne se base pas sur un sujet sociétal, il s’adresse aux enfants en partant de la sensation et de la perception : celle des couleurs. À partir d’elles se déploient des situations, des récits, des réflexions. Le dispositif scénique recherche le spectaculaire afin que cette première expérience du théâtre soit une expérience sensorielle forte. Les jeunes spectatrices et spectateurs sont plongés dans l’arc en ciel, les nuanciers, les œuvres d’art…
La scénographie, toute de bois, imaginée comme un livre en pop-up pour enfants, sert essentiellement de support au travail de la lumière et à la projection vidéo pour composer un univers immersif apte à stimuler l’imaginaire.
Dans ce qui figure comme un musée imaginaire, trois copains cherchant la bonne idée pour repeindre leur maison, parlent des couleurs, de ce qu’elles évoquent ou signifient.
Cet échange est l’occasion d’aborder les phénomènes physiques, la sémiologie et l’histoire des couleurs : leurs origines, leur utilisation dans l’histoire et le monde et les significations qui leur ont ainsi été attribuées. En partant de l’expérience sensorielle et des émotions qu’elles procurent, la conversation peut alors s’ouvrir à des questions d’esthétique, de symbolique, de culture, de croyance…
Ainsi avec le bleu, nous pouvons parler d’histoire de l’art : comment cette couleur a été perçue à travers les siècles, des pierres de pharaons jusqu’aux cultures d’indigotiers par des esclaves… quelle symbolique elle a revêtu, quelle importance elle a-t-elle eue dans l’histoire de la peinture à travers Picasso, Klein ou Miro…
Le rose est l’occasion d’interroger les enfants, avec des mots simples et des idées claires, sur les assignations liées au genre que l’on soit un garçon ou une fille.
Le violet, mélange du rose et du bleu s’amuse de la fin de la binarité et célèbrera l’égalité.
Le chapitre sur le vert aborde des questions écologiques et parle du monde dont ils et elles sont les héritières.
Le chapitre sur le noir parle du Caravage, de Soulage, d’Anish Kapoor mais aussi de la peur. De la peur de l’obscurité à celle de l’inconnu, et de la peur de l’autre, du racisme.
Le noir sera opposé au blanc lunaire.
Et il faudra aussi traverser le jaune, le rouge, l’orangé… et garder une place pour toutes ces nuances au nom poétique comme l’aigue marine, le bouton d’or, le terre de sienne, le framboise écrasé, la coquille d’œuf, le poil de chameau, le sépia, le zinzolin…
Le spectre est infini et cette plongée dans l’arc en ciel (occasion d’aborder la tolérance et les minorités), offre la possibilité à ce jeune public de transformer des émotions en pensées, des sensations en analyses, des découvertes en connaissances et ces connaissances en récit.
Chaque couleur est l’opportunité d’un tableau, d’un voyage baladant nos trois protagonistes des forêts vierges du Douanier Rousseau aux paysages d’une lune aseptisée, d’une forêt obscure et mystérieuse au dancefloor d’une discothèque des années 80, d’un voyage en mer à l’intérieur d’une estampe d’Hokusai au Paris gris-pollué d’aujourd’hui ou encore de la terre orangée du Congo d’où sont originaires nos trois héros à une scène d’opéra, etc.
Voilà l’ambition du projet : accompagner les plus petits sur le chemin qui mène de la perception, de l’impression, au recul critique. Ce spectacle cherche à stimuler l’analyse critique de son public constitué d’adultes en devenir sur les questions d’esthétique, de symbolique, de culture, de croyance et ouvre un dialogue avec les professeur.e.s, accompagnateurs.trices et parents au-delà du spectacle sur ce qu’est une sensation, une opinion, ce qu’est le beau, sur les récits, les histoires du passé ou sujets de la société d’aujourd’hui qui auront été abordé lors de ce voyage au pays de la joie et de la diversité des couleurs.

Critiques

  • Un fauteuil pour l'orchestre
    par Denis Sanglard

    David Bobée, metteur en scène, et Ronan Chéneau, écrivain, nous en font voir de toutes les couleurs

    Un spectacle pour enfant, pour les adultes en devenir, un voyage du Congo orangé à la lune blanche en passant par le Paris gris de pollution, c’est une traversée extraordinaire, émotionnelle, sensorielle à travers les milles et une nuance de la couleur…

    Recommandation :
    fff
  • Sceneweb
    par Eric Demey

    Avec Ma couleur préférée, Bobée et Chéneau élargissent leur palette

    Ma couleur préférée emmène les enfants à la découverte des couleurs. Un spectacle pédagogique et pêchu concocté par David Bobée et Ronan Chéneau ! Donc forcément spectaculaire et politique aussi.

Calendrier des représentations

Comédie - CDN de Reims | Reims

mar.25nov. 2025
mer.26nov. 2025
  • Scènes du Golfe | Vannes
    19 janv. > 20 janv. 2025
  • Forum de Meyrin | Meyrin
    07 mai 2025
  • Merscher Kulturhaus | Mersch
    04 juin 2025